Bonjour Serge,
Je suis aussi très heureuse de vous lire, comme vous j’ai beaucoup voyagé en Chine et au Japon au cours des années passées, ayant toujours particulièrement apprécié de pouvoir directement effleurer du doigt, ce que les livres nous permettent de voir de loin. La réalité vivante, nous offre en effet une perspective différente et il suffit de flâner au parc de Beihai à Pékin où près du kinkaku-ji à Kyoto, un livre de Mishima en main, pour réaliser la beauté du mot voyager et tout ce que les pages des livres nous ont permis d’aimer.
Je vois que vous avez pour projet de passer une partie de votre temps au Japon, ce que je ne peux que vous conseiller, passant moi-même plusieurs mois dans l’année à Kyoto, où j’ai fait l’achat d’une maison. Un pied-à-terre, rendant en effet tout plus aisé et me permettant de découvrir l'archipel japonais, tout en ayant toujours un point d’ancrage où me reposer.
Si vous parvenez à mettre votre projet à bien, ce que je vous souhaite grandement, n’hésitez pas à me contacter si vous avez des questions concernant la vie pratique au Japon et plus particulièrement à Kyoto, puisque c’est dans cette ville que j’ai choisi de m’établir, attirée par son patrimoine et sa douceur de vivre.
Par ailleurs, quand vous serez bien installé, si vous souhaitez voyager un peu à travers l’archipel, permettez moi de vous donner quelques références, que j’ai moi-même expérimentées et que je ne peux que grandement vous recommander. En dehors des sentiers battus comme Nara, Osaka, Tokyo ou encore Nagoya et les autres grandes villes du Japon, je vous conseille d’expérimenter un voyage dans le Seven star explorer, un train de croisière inauguré en 2013 et permettant d’explorer l’île de Kyushu, moins connue qu’Honshu mais qui vaut absolument le détour.
Le train offre un mode d’exploration hors du commun, faisant découvrir de façon unique la beauté des paysages de l’île, mais aussi le cœur de la culture japonaise traditionnelle, avec des étapes de grande qualité tel que le musée de la céramique de Kyushu à Arita ou encore le lac Kinrin que vous connaissez peut-être. Il est situé au pied du mont Yufu à Yufuin, destination très réputée pour les onsens. Pour ceux qui aiment un peu plus la modernité, je me souviens que nous avions également visité la gare abandonnée de Bungo-mori, dans la préfecture d’Oita, qui est un des sites les plus connus d’urbex (exploration urbaine des lieux abandonnés).
Les repas du train sont aussi d’une grande qualité et permettent par exemple de découvrir le kaiseki, tout en étant très respectueux des allergies alimentaires ou des goûts personnels.
En dehors de cette belle croisière sur rails dont je vous mets le lien entre parenthèses (https://www.cruisetrain-sevenstars.jp/english/?id=header), je peux également vous recommander de vous rendre à Ise, ville berceau du shintoïsme, dont le temple immaculé cause du tort à Tanizaki et sa célèbre éloge de l’ombre.
Dans cette ville, la lumière et la spiritualité se retrouvent à tous les coins de rues, ainsi qu’une nature préservée qu’on ne peut qu’apprécier. Lors de mon voyage, j’ai résidé à Amanmu, un hôtel dont je n’ai pas été déçu par la qualité des prestations, mais aussi de l’imprégnation qu’il permettait dans l’ambiance de la ville. Il y a aussi le mont Koya, que je vous conseillerai de découvrir, si vous ne l’avez pas déjà fait. Ces suggestions ne sont bien sûres que quelques recommandations, non exhaustives basées sur mon expérience personnelle. Le Japon a beaucoup plus de choses à offrir que le peu, que j’en ai vu, mais puisque vous aimez ce pays, il me semblait important de partager les quelques références en ma possession.
En ce qui concerne la bibliophilie, passion que nous partageons visiblement grandement, j’ai toujours beaucoup apprécié moi-même la librairie Fenêtre sur l’Asie, je me souviens y être entrée la première fois attirée par un livre intitulé L’Inde des rajahs de Louis Rousselet, une magnifique édition de 1877, au format in-folio, avec un cartonnage polychrome rouge d’une grande beauté.
Je l’ai achetée ce jour-là et puis suis souvent revenue dans la librairie, très intéressée comme vous par la qualité et la rareté des ouvrages proposés. Cela fait longtemps que je ne m’y suis pas rendu et il faudrait que j’y retourne pour voir ce qu’elle est devenue. Je vous remercie de l’avoir rappelé à ma mémoire, il est toujours agréable de se souvenir de lieux si remplis de savoir.
Pour mes éditions anciennes, je vais à la librairie le feu follet ou auguste blaizot et déambule souvent vers la place saint sulpice et la rue Bonaparte, où l’on peut trouver plein de petites librairies anciennes et modernes et notamment Diane de selliers où j’avais fait l’acquisition d’une édition exceptionnelle du ramayana et du dit du Genji, que je possède moi aussi dans la petite et grande collection.
Je suis très contente que vous m’ayez donné la référence de votre livre que je viens tout juste d’acquérir grâce au lien joint à votre message, j’ai hâte de pouvoir le parcourir. J’ai aussi noté les deux références de vos éditions chinoises du rêve dans le pavillon rouge, que je vais essayer de me procurer, dès que j’aurais trouvé un endroit où les dénicher.
En ce qui concerne le rêve dans le pavillon rouge aux éditions Citadelles mazenod, je comprends vos réticences. Achetant moi-même souvent plusieurs éditions différentes d’un même livre, il est toujours important pour moi de me renseigner sur la nouvelle acquisition que je veux effectuer pour qu’elle garde un caractère unique et enrichissant, malgré les livres que je possède déjà.
Pour cette édition, le premier point très important à prendre en compte et que le texte n’est pas intégral, ce n’est donc pas grâce à celle-ci qu’on peut expérimenter la palette de couleurs extraordinaire et la grande diversité de ce merveilleux roman. Ses points forts sont néanmoins les notices descriptives tirées de l'ouvrage originel et la préface de Zhang Quingshan, président de la société du rêve dans le pavillon rouge et chercheur à l’académie chinoise des arts.
En dehors du contenu, la qualité de la reliure à la chinoise, du format (44 x 30 cm) et bien sûr des 230 illustrations de Sun Wen, font de cet ouvrage, un réel petit objet d’art.
Après, est-il indispensable quand on possède déjà beaucoup d’autres éditions de grande qualité ? Peut-être pas, mais cela reste tout de même un très bel objet, qui rend bien hommage à la culture chinoise. Je vous mets le lien de la brochure de présentation, peut-être pourra-t-elle vous aider à vous faire une meilleure idée (https://citadelles-mazenod.com/index.php?controller=attachment&id_attachment=274)
Si vous aimez les arts japonais, je peux aussi vous conseiller les ouvrages suivants de ma bibliothèque:
Des mérites comparés du saké et du riz, illustré par un rouleau japonais du XVII ème siècle (29 x 27 cm ) aux éditons Diane de Sellier (https://editionsdianedeselliers.com/livre/la-collection/des-merites-compares-du-sake-et-du-riz/)
Cent aspects de la lune sur les estampes de Yoshitoshi, davantage coffret et objet d’art que livre, contenant des estampes en fac-similé et un livret de commentaires de John Stevenson (https://citadelles-mazenod.com/livres-exceptionnels/454-cent-aspects-de-la-lune-edition-luxe-)
Paravents japonais (https://citadelles-mazenod.com/livres-exceptionnels/518-paravents-japonais)
Si vous aimez la littérature de manière plus générale, je vous conseille aussi les ouvrages des éditions des saints pères (https://www.lessaintsperes.fr/) spécialisée dans la publication des grands manuscrits des chefs d’œuvres de la littérature.
Pour finir sur la note de la traduction, je vais essayer de me procurer en librairie le livre d’Eliot Weinberger, 19 manières de regarder Wang Wei, éditions Ypsilon, que vous me recommandez et je me permets de vous joindre le lien d’une émission télévisée, tourné en 1969 quelques mois après l’obtention du prix Nobel de littérature par Kawabata en 1968. L’auteur y est interviewé et nous y voyions aussi Yukio Mishima. La question de la traduction y est aussi abordée, Kawabata avec une grande modestie, se demande si son prix n’est pas dû au traducteur et non à lui. Ne voyant pas contrairement à nous ce qui peut se perdre dans la traduction, mais ce que celle-ci peut transformer et peut-être sublimer.
Le lien : https://youtu.be/C_SoosDTMP0
Quand je vois ces deux hommes réunis, je ne parviens pas à me sortir de l’esprit leur suicide et ces derniers mots laissés par Mishima « La vie humaine est brève mais je voudrais vivre toujours »
Si vous aimez ces deux auteurs, il y a aussi cette interview de Marguerite de Yourcenar sur son œuvre « Mishima ou la vision du vide » : https://youtu.be/PXEDqpavTU8
En ce qui concerne l’apprentissage des langues d’une manière plus direct, je vous remercie d’avoir partagé le mandarin corner, que je ne connaissais absolument pas, ce genre de ressources, aident toujours.
Je regarde pour ma part dans le même genre, des expériences sociales menaient en Chine par la chaîne Youtube Treeman, ce n’est pas très culturel, mais extrêmement divertissant et utile pour se faire l’oreille.
Pour en revenir au japonais, il est vrai que j’en suis assez rapidement venu à la lecture de textes littéraires, mais cela est peut-être simplement dû au fait que j’avais déjà une bonne maîtrise orale de la langue du fait du temps passé à Kyoto, donc peut-être ce que vous vouliez essayer avec Assimil 2.
En reprenant mon apprentissage formel, j’ai ainsi pu me consacrer uniquement sur l’écrit et put mieux compartimenter les choses. Un bagage aide en effet toujours, même si celui-ci n’est pas parfaitement présent à l’esprit, les mécanismes restent et reviennent parfois assez rapidement.
Pour tout vous avouez, je n’ai pas encore essayé de lire le dit du genji, mais j’espère pouvoir bientôt m’y frotter.
J’ai commencé par lire les aventures de Tintin en chinois et japonais, grâce à l’application Moulinsard sur Apple Store et puis je suis passée à « Je suis un chat » de Natsume Soseki et prenant confiance, à Kawabata et son 雪国, Mishima, Osamu Dasai ou encore Tanizaki et bien d’autres.
En ce qui concerne le chinois pour l’instant je ne me suis pas encore essayée à aucuns grands classiques anciens, à part les poèmes Tang, en littérature, j’ai tout de même tenté la lecture de Lao She, le pousse-pousse ou quatre générations sous un même toit. Je bloque parfois sur des caractères, mais cela me permet d’enrichir mon vocabulaire.
Je les cherche en effet dans un dictionnaire, tente de trouver des phrases ou des poèmes qui les mets en scène et puis les copie au stylo et au pinceau. Seule, mais aussi dans quelques phrases qui me permettent de leur donner un contexte.
Quand j’étais enfant, mon grand-père m’apprenait le sanskrit et à tout fait pour amplifier ma mémoire et ses capacités. Le dévanagari est en effet particulier et j’avais un mal fou à le lire, à l’écrire et à le retenir. Il était néanmoins patient et me faisait passer des heures entières à écrire et à répéter inlassablement la même chose. Tant que je n’y arrivais pas, nous n’arrêtions pas. Mon père ayant occupé une carrière de diplomate, nous voyagions en effet beaucoup et je n’ai pas suivi une scolarité traditionnelle, mais ai reçu toute mon instruction de mon grand-père, dont la citation préférée était : « Face au rocher, le ruisseau l’emporte toujours, non par la force, mais par la persévérance ».
Il m’a appris la valeur de la volonté et de la répétition constante et je pense que cela m’a aidé dans mon apprentissage du chinois et du japonais.
Pour retenir les caractères traditionnels, simplifiés et les kanjis, je me fais des fiches, en plus d’Anki, sur un beau papier de calligraphie ou je dessine le caractère traditionnel, sa forme simplifiée et le kanji, ainsi que les prononciations et des phrases d’ancrage dans les deux langues. Je les conserve dans une boîte en bois et les lis, en prenant mon petit déjeuner. Pour suivre un conseil d’un ami, spécialiste du bouddhisme qui maîtrise les cinq langues canoniques de cette religion, à savoir le chinois, japonais, sanskrit, tibétain et pali, je ne cherche pas à séparer excessivement les deux langues comme je l’aurais fait par moi-même au premier abord, mais je les réunis au contraire, car même si elles sont différentes, elles ont des racines communes et ce n’est qu’en les liant qu’on arrive à lâcher prise.
Bien sûr tout cela n’est pas parole d’Evangile et chacun à son propre esprit, il faut s’adapter aux signaux qu’on perçoit en soi et travailler et s’entraîner sans discontinuer.
Je vous donne tout de même les différentes ressources que j’ai utilisées pour mon apprentissage du japonais en espérant qu’elles pourront vous aider.
Pour commencer si vous voulez vraiment repartir de zéro, ce que je conseille surtout pour la structure et l’ancrage de la langue je vous recommande ces deux ressources en formation principale :
J’apprends le japonais.com, formation vraiment très complète et didactique ( https://japprendslejaponais.com/cours_de_japonais_en_
e-learning/)
Et en complément mais ce n’est peut-être pas essentiel, je vous le note car je l’ai utilisé quand même : je parle japonais (https://jeparlejaponais.com/)
J’utilise pour l’ancrage Anki et puis les applications suivantes :
Nihongo no Kana - pour l’écriture et la lecture des hiragana et katakana
Learn Japanese ! Kanji - pour le traçage et l’ancrage des Kanji
Le japonais en douceur - pour plus de lecture à travers cinquante leçons courtes et pratiques pour les débuts.
Une fois plus avancé, je vous conseille cours de japonais.fr ( https://www.coursdejaponais.fr/)
C’est le programme que j’ai suivi avec comme je vous l’ai dit la lecture de tintin en japonais au début (et aussi en chinois) et l’écriture constante de la langue. J’espère que cela pourra vous aider.
Un long message encore une fois, mais nous semblons partager beaucoup d’intérêt commun, je me suis donc permis d’expliciter un peu mon texte.
Pour finir sur un dernier point commun, j’ai aussi beaucoup d’attache avec l’Italie, mon oncle y ayant une exploitation agricole dans le sud du pays et un café à Milan, le gran caffè buonarroti (https://buonarrotigrancaffe.it/la-storia-di-buonarroti/)si vous êtes de passage dans la ville, n’hésitez pas à y faire un tour.
Merci pour votre partage et votre gentillesse.
Bien Cordialement,
Fabienne Canelli