Cher Tianxiang
Tout d’abord je vous souhaite une excellente rentrée !
Comme je vous l’indiquais hier, je viens de finir le HSK 4 avec un excellent résultat paradoxal à la première tentative de test final de compréhension orale (plus de 19) qui à mon avis ne traduit pas la réalité.
Mon retour d’expérience à ce stade est que l’apprentissage des caractères demande un tel effort que l’on oublie facilement que l’apprentissage de la prononciation et du rythme de la phrase chinoise (enchainement des tons, accents toniques, césures) est tout aussi important, sinon plus que les caractères si l’on veut parler chinois de manière fluide.
J’ai pris un cours particulier d’italien et à ma propre surprise je parle vraiment couramment de manière très bavarde de sujets avancés avec un italien naturel de niveau C1 après 14 mois d’un apprentissage très intermittent où j’ai travaillé l’italien 10 fois moins que le chinois. Je pense que le secret est que je ne fais pas de thème ou de grammaire quand je parle italien mais que je suis porté par le rythme sonore de la phrase italienne ; ce qui n’est pas le cas en chinois !
En fait je fais face en chinois à un double effet de ciseau.
Le premier ciseau est l’écart grandissant entre ma compréhension orale et écrite (les tests de votre cours ne le reflètent pas). Après 1000 caractères et même avant, les combinaisons permettent de créer de nombreux mots (la réforme du HSK est je trouve très bien !). De plus le cerveau s’est « formé » à retenir des caractères. Donc le vocabulaire HSK5 devient en très grande partie accessible. En revanche, il y a de plus en plus d’homonymes et même de « faux homonymes », ce que j’appelle « faux homonymes » sont des mots ou des caractères que l’on confond à l’oral parce que l’on n’en distingue pas bien les attaques, les nasales rétroflexes ou pas, les tons. Donc le vocabulaire écrit accessible s’accroit de manière exponentielle à partir d’un certain niveau si l’on a appris comme je l’ai fait à écrire tous les caractères et pas seulement à les lire ; en revanche la compréhension orale tend à devenir difficile et incertaine à cause des faux homonymes si l’on a une mauvaise discrimination des tons et des sons chinois.
Le deuxième ciseau est l’expression versus la compréhension. J’ai essayé d’améliorer mes capacités d’expression en travaillant les constructions de phrases de manière active en mettant dans Anki en thème les phrases de Chinese Grammar Wiki (je me suis aussi beaucoup entrainé sur vos phrases types !). Cela marche sans doute pour d’autres mais ne marche pas plus pour moi que faire de la linguistique chinoise un peu avancée et je viens de comprendre pourquoi : je n’ai pas de mémoire sonore de la phrase chinoise parce que je n’ai pas assez de discrimination des sons, des tons et donc du rythme tonal et tonique comme en italien. Donc parler chinois devient un exercice impossible : construire d’abord une phrase écrite correcte grammaticalement dans son cerveau et la prononcer ; or personne ne parle comme cela en réalité.
Si j’avais un seul conseil à donner à un débutant, c’est celui de porter sur la phonologie chinoise le même soin et effort que sur les caractères au début et dans toute la suite.
A ce stade, j’essaie de trouver des ressources spécifiques et j’ai aussi besoin de conseils méthodologiques.
Ma première question est sur la place du pinyin dans l’apprentissage. Mon effort a été de zapper le pinyin (en essayant d’associer directement un son à un caractère en utilisant le pinyin au minimum) et c’était peut-être une grave erreur. En effet les composants graphiques sonores des caractères quand ils existent créent une grande confusion car le plus souvent le ton du composant graphique est différent de celui du caractère, ou bien la prononciation est déformée. Le seul moyen pour des gens nés dans une langue alphabétique de retenir de manière précise la prononciation et le ton est soit avec une mémoire sonore excellente soit en sachant la phonétique du mot (donc son pinyin). Ce qui me pose un problème car c’est précisément ce que j’ai cherché à éviter : apprendre à la fois le chinois écrit en caractères et en pinyin ! Du coup, même si je suis en train de réévaluer le rôle du pinyin je ne sais trop à quel degré le réévaluer. D’où ma question : faut-il aussi apprendre le chinois en pinyin ?????
Ma seconde question est sur les ressources pour franchir la difficulté à laquelle je fais face. Vous avez ajouté des éléments de phonétique au HSK 1 mais je suis tellement peu doué qu’il me faut beaucoup plus. J’ai compris mon problème en lisant l’excellent petit livre de Jean-François Billeter, les gestes du chinois, chez Alia mais aucune méthode n’est basée sur la rythmique (tons, accents toniques, césures).
Pour prendre l’excellente comparaison d’un site sur le chinois (chinoistips.com) que j’ai trouvé, je n’ai pas en ce moment besoin de connaissances théoriques sur la manière de jouer de la guitare ou de lire une partition, j’ai besoin d’apprendre à enchainer des accords de guitare de manière naturelle et même à faire des improvisations.
Les ressources me paraissent être de 3 types :
1) Un cours spécifique complet et structuré de discrimination sonore et de prononciation. Au passage avec votre talent pédagogique ce serait génial que vous en créiez un. La réforme du HSK s’y prêtera. Je cois impossible de réellement progresser en chinois sans bien distinguer et reproduire les 414 syllabes de base et les plus de 2000 syllabes avec les tons et sans savoir enchainer correctement les couples de tons. Avec un cours d’initiation à la calligraphie où l’on vous fait tracer les traits séparément en grand au pinceau jusqu’à y parvenir, cela me parait les fondamentaux. Malheureusement, je l’ai fait pour la calligraphie et pas pour la phonologie. Mais c’est vrai qu’il existe en Chine des cours de calligraphie et pas des cours de phonologie ! La seule ressource que j’ai trouvée est dans le lien suivant. Si vous la connaissez je voudrais savoir ce que vous en pensez avant qu’éventuellement je m’inscrive. C’est la première formation prononciation pro pour débutants. Si vous en connaissez d’autres je suis preneur de l’info.
https://chinoistips.com/formations/
2) Reprendre le vocabulaire du départ. Là j’ai trouvé la ressource qui me convient : les vidéos du Mandarin Corner. J’ai une mémoire kinesthésique et Eileen en fait des tonnes dans l’accentuation des tons avec des gestes qui les accompagnent et elle prononce la plupart des mots anglais avec le ton chinois du mot chinois correspondant ! Bref, j’imite Eileen (son et geste). Je regarde 2 fois la vidéo par groupe de 10 mots par jour. J’apprends par groupes de 10 mots chaque jour à partir du tout début. Je plie une feuille A4 en deux et je fais 3 colonnes (caractère, pinyin, français) puis je cache le pinyin et je m’entraîne à retrouver le son soit à partir du caractère soit du français en vérifiant en notant en pinyin et en comparant. Je révise 10 par 10 avec un décalage de 50 caractères en écoutant seulement le son que l’on peut télécharger ainsi que le PDF et en voyant si je discrimine bien le ton cette fois sans voir Eileen. J’ai fait des progrès très nets. Cependant comme le Mandarin Corner ne propose aucune méthode de prononciation, j’imite Eileen sans clés réelles sur la manière de le faire correctement (position de la langue pour les attaques où nous étrangers faisons des confusions, nasales, nasales rétroflexes, enchainement de deux tons successifs).
https://mandarincorner.org/hsk-vocabulary-videos-with-sentence-examples/
3) A tout ceci une immense limite est qu’il n’y a personne pour corriger ma prononciation quand je parle ; donc je risque de discerner certes mieux mais de reproduire de manière encore très imparfaite. D’où à mon avis le besoin d’un cours particulier pour corriger ma prononciation. Je me suis inscrit à Superprof mais l’offre est considérable sans qu’il soit très facile de savoir qui est la perle rare pour donner un cours de prononciation chinoise et je suis aussi preneur de tout contact en ce sens d’autant que par Skype cela peut se faire à distance.
Mon retour d’expérience est donc que je suis ravi de votre cours et considère comme un miracle d’avoir assimilé autant de caractères, d’être arrivé si loin et je vous en suis très reconnaissant. Cependant le HSK actuel par nature est un apprentissage trop tourné vers la seule compréhension et sa réforme offre de grandes opportunités d’en faire un apprentissage plus équilibré vers l’expression orale autant qu’écrite. De plus il est relativement facile de progresser dans les niveaux du HSK actuel en n’ayant pas résolu un certain nombre de problèmes phonologiques et rythmiques de base qui ne se résolvent pas d’eux-mêmes et qui constituent des freins considérable pour parler naturellement et de manière fluide.
Comme je m’intéresse au chinois écrit et que j’aime beaucoup votre méthode, je vais aussi profiter de ce travail de retour au tout début pour la reprendre entièrement avec les caractères traditionnels mais je profiterai d’autant plus de vos enregistrements que mon oreille sera meilleure et ma capacité d’enchainer les tons et de prononcer correctement sera améliorée. A l’excellent stade où votre méthode m’a mené, la tentation est grande d’apprendre le vocabulaire HSK5 et de regarder les vidéos live niveau intermédiaire supérieur très divertissantes du Mandarin Corner mais à mon avis cela accentuerait encore l’effet de ciseaux décrit plus haut et je vais plutôt passer les 4 ou 5 prochains mois à revoir (et même en fait réapprendre) tout le vocabulaire oral avec une prononciation bien meilleure.
Je reprendrai la progression après avoir résolu ce problème.
Merci de votre patience à avoir lu ce long mail et merci d’avance de vos conseils
Bien cordialement
Serge